mercredi 21 novembre 2012

Noël s'annonce

Oignons-pays plantés dans un gouttière transformée en jardinière.


Le temps change , les jours se sont raccourcis, mais la luminosité est magnifique. Il  apporte cette sensation de légèreté  joyeuse qui caractérise la période de l'Avent.
Mais les temps eux aussi ont changé.
 Noël est aujourd'hui aussi annoncé par les catalogues de jouets dans les boites aux lettres, les pubs à la télé, l'annonce de tonitruants "chantés noël" qui semblent devenir des galops d'essai pour le carnaval(même à Paris), la dictature des enfants qui grâce à tout cela imposent leurs choix de cadeaux.
J'ai connu dans mon enfance un autre type d'effervescence, sans pub, sans télé, sans débauche de lumières, de sonos, de décorations, que le poète a su exprimer bien mieux que je ne saurais le faire.

" Il s'était annoncé d'abord Noël par un picotement
de désirs, une soif de tendresses neuves, un bourg-
eonnement de rêves imprécis, puis il s'était envolé
tout à coup dans le froufrou violet de ses grandes
ailes de joie, et alors c'était parmi le bourg sa
vertigineuse retombée qui éclatait la vie des cases
comme une grenade trop mûre.
 Noël n'était pas comme toutes les fêtes. Il n'aimait
pas à courir les rues, à danser sur les places
publiques, à s'installer sur les chevaux de bois, à
profiter de la cohue pour pincer les femmes, à lancer
des feux d'artifices au front des tamariniers. Il avait
l'agoraphobie, Noël. Ce qu'il fallait c'était toute
une journée d'affairement, d'apprêts, de cuisinages,
de nettoyages, d 'inquiétudes,
de-peur-que-ça-ne-suffise-pas,
de-peur-que-ça ne-manque,
de-peur-qu'on-ne-s'embête,
puis le soir une petite église pas intimidante, qui se
laissât emplir bienvaillamment par les rires, les
chuchotis, les confidences, les déclarations amou-
reuses, les médisances, et la cacophonie gutturale
d'un chantre bien d'attaque et aussi de gais copains et
de franches luronnes et des cases aux entrailles riches
en succulences, et pas regardantes, et l'on s'y parque
une vingtaine, et la rue est déserte, et le bourg n'est
plus qu'un bouquet de chants, et l'on est bien à
l'intérieur, et l'on mange du bon, et l'on en boit
du réjouissant et il y a du boudin......"

Aimé CESAIRE
Cahier d'un retour au pays natal . Paris 1939
extrait tiré de la réédition  Présence Africaine Paris 1983

Et le potager dans tout cela? me direz vous.
Le potager pour un Noël traditionnel doit être un grand pourvoyeur d'oignons pays, de pois d'angole, d'igname, de piments, de persil.
Noël c'est également la fête du cochon et la production du potager servira aux différentes préparations auxquelles il donnera lieu. Car à cette occasion on mange du boudin, des patés salés, du ragout accompagné d'igname et de pois d'Angole. Mon potager lui, cette , année ne fournira que l'oignon- pays, le persil et des piments si les grives veulent bien m'en laisser quelques uns.
Autrefois tous ceux qui le pouvaient, élevaient un cochon à cet effet. Il s'agissait d'un cochon de race locale noire, plutôt petit et pas trop gras.
Les trois petits cochons martiniquais- photo de Cécile

En 1972, à Fond Bourlet, j'ai pu vivre le dernier Noël, où ma grand mère,selon la tradition, a fait abattre par ses voisins un cochon qu'elle avait nourri dans ce but. Cette année là fut la dernière fois où, j'entendis ma grand-mère, Manman DO, chanter Noël en reprenant toutes les ritournelles en créole, esquissant quelques pas de danse malgré ses rhumatismes aux genoux.



 Le voisin marin-pêcheur (reconnaissable à son chapeau de bakoua peint) débitant la bête au coutelas


Ma mère Jojo, aidée de ma soeur Josiane, remplissant les boudins. Du pimenté pour les "grandes personnes"
et du non pimenté pour les enfants et les petites natures.


En 1975 la vie fit que nous repartîmes en France. De retour en 1980, tout changeait, la Martinique continuait à s'urbaniser à vive allure, il y avait de moins en moins de jardins créoles, de cochons domestiques, Manman Do et son mari Hyppolite habitaient désormais au bourg de Case Pilote, c'était pour nous la fin d'une époque.

En vous souhaitant de bien préparer vos fêtes de fin d'année
je vous dis

a an lot soley !
à un autre soleil !

7 commentaires:

  1. Superbe, cela me rend encore un peu plus nostalgique.

    Hé oui les chanté Nwel ne sont plus ce qu'ils étaient. On trouve même des chanté nwel dont le plat principal n'est pas du cochon !!! (à Paris ).

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  2. Ça me transporte à chaque fois que je le lis :-)

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    1. salut Sébastien
      je suis heureux de voir que ces billets te touchent et suscitent ton intérêt. C'est la meilleure récompense que pouvais espérer.

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    2. Et surtout le soir de Noël n'oublie pas de boire un srhub en pensant à nous. Nous nous penserons à toi dans tes frimas canadiens.

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  3. C'est vrai cet article est superbe.Maya l'a lu dans la voiture, elle a baucoup aimé.
    Ces photos n'ont pas été prises au Diamant? Ils avaient tué le cochon; je m'en souviens encore.

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    1. Ces photos datent du Noêl avant ta naissance et ont été prises à Fond Bourlet. Tu étais bien là, mais tu ne peux pas t'en souvenir.

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