dimanche 11 novembre 2012

Les voraces


Pas grand chose à se mettre sous la dent. Je suis plutôt dépité par les nouvelles attaques des prédateurs voraces. Cela a sapé mon moral de jardinier. En effet  cette garce de grive, mince je me laisse aller, a découvert que les poivrons étaient aussi bons que les piments et s'est fait un plaisir de déguster les jeunes fruits que le California Wonder commençait à reporter . Du coup je l'ai mis sous filet.
La deuxième attaque concerne la disparition de tomates vertes sur le pied de Caraïbo. Cette fois-ci il ne s'agit pas des grives, ni d'un quelconque autre oiseau. Le forfait a été perpétré de nuit, et les tomates ont été cueillies sans laisser de traces. J'ai d'abord pensé à des rats, mais ces derniers auraient signé leur action par des traces de dents sur des restes de fruit. A mon avis il ne peut s'agir que d'un manicou, petit marsupial endémique à la Martinique. En suivant mon lien vous pourrez découvrir ce petit animal nocturne, qui autrefois était chassé dans les campagnes pour sa chair et dégusté en fricassée, civet ou trempage.

 Mais je ne peux m'empêcher de vous parler du trempage qui est une spécificité bien martiniquaise et même du nord de l'ile. Il s'agit d'une quasi cérémonie qui réunissait un groupe d'amis pour communier autour de la table sur laquelle était dressé le trempage.
En général les femmes étaient exclues de la pratique même si elles avaient participé en cuisine. Comment donc se dressait ce trempage? On commençait par mettre au milieu de la table une à deux feuilles de bananier rincées à l'eau claire. Sur ces feuilles on étendait du pain rassis préalablement trempé dans de l'eau, puis pressé entre les mains et émietté. Il s'agissait de faire un lit de miettes trempées de deux cm environ d'épaisseur sur lequel était versée la préparation de viande, de morue ou de langouste quand les "bobos" version locale s'y sont mis . Cette préparation épicée est faite d'une sauce épaissie à la farine, afin qu'elle nappe bien la couche de pain. Par dessus le tout étaient coupés de fines tranches de banane mure et d'avocat et, au centre de ce long tapis bien épais, étaient disposés les morceaux de viandes ou de crustacés. Après quelques punchs et plaisanteries bien masculines, les convives se tenaient debout autour de la table, une main dans le dos, l'autre servant à manger, car le trempage se mange avec les doigts. Bien que le trempage fut souvent un concours de voraces que n'aurait pas renié Rabelais, il comporte une règle de bienséance qui interdit d'attaquer directement les viandes dressées au milieu. En effet il convient d'abord de bien " nettoyer" l'espace devant soi jusqu'à atteindre les dites viandes. Délicats et petites natures s'abstenir!
Tout cela me rappelle un souvenir piquant de ma jeunesse. Un de nos camarades nous avait conviés à un trempage de manicou, bien sur entre garçons. Mais la chasse n'ayant pas été très fructueuse, il compléta sa préparation par de la viande de chat, tout cela à notre insu. Quand tout le monde se fut rassasié,  Basilien, c'était le nom de notre facétieux camarade, exhiba la tête du chat qu'il avait gardé exprès. Il eu droit alors à quelques bordées de jurons bien sentis, entrecoupées de cris d'orfraie.
Il est vrai qu'aujourd'hui l'aspect macho et concours de gros mangeurs a disparu, puisque le trempage est devenu une manifestation pour touristes. J'ai même vu, il y a deux jours sur le bord de la grande route touristique du sud, un panneau annonçant que "M. ZEBO organise tous les vendredi un trempage".

Mais revenons au potager
En attendant mes futurs carrés qui peinent à être réalisés, j'ai planté sur une partie assez pentue de mon terrain un petit jardin créole , composé du plan de giraumon que vous connaissez et qui court où il peut, de deux plants de poivron, de deux aubergines, de deux gombos rouges, d'un pied de piment fort, d'un plan de tomate et pour finir un plan de concombre thaï. Il me donne un peu de mal car il faut que j'y monte avec l'arrosoir plein et  la pente y est forte et glissante. Il va falloir acheter une rallonge à mon tuyau d'arrosage.

Le concombre thaÏ est sous sa moustiquaire pour le protéger des grives. Le petit arbre à droite est un avocatier qui refuse de grandir.
Post-scriptum

Pour les curieux, grâce à ma documentaliste préférée, j'ai retrouvé une ancienne recette de trempage. Elle a été recueillie par Jeanne LODEON et publiée dans le numéro 38 de la revue PARALLELES (1971), éditée par Anca BERTRAND.




Sur ce je vous dis

a an lot soley
à un autre soleil

7 commentaires:

  1. Te rappelles tu le trempage que vous aviez organisé à Fond Bourlet chez Grand Père et Manman Do? Les filles avaient eu le droit(!) de participer à l'événement!
    Ceci dit, j'avoue qu'il faut sans doute arroser tout ça de nombreux punchs pour apprécier!..
    Moi

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  2. A Pécoul chez Les Palamy, pendant que les femmes préparaient la cuisson de la "viande"qui étaient le résultat de la chasse matinale, les hommes jouaient aux dominos ou à la belote tout en buvant etcetera de punchs !!! Ensuite le trempage étaient englouti accompagné généralement de Socara !

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  3. Serait-ce une pointe de machisme que je décèle dans vos propos ? Voyons messieurs reprenez vous !! ;)

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    1. Pas de machisme chez, mais nous aimons respecter les traditions !!!��:-))

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  4. Pour se maintenir les traditions ne doivent elles pas s'adapter au monde ou nous vivons et s'enrichir de la seconde (?) moitié de notre société ? Sujet de réflexion pour la prochaine session du Bac !
    Moi ;-))

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  5. OUais, trempage ou pas, macho ou pas, le manicou continue ses forfaits!!!et ça on aime pas ça... je suggère un dressage des chiens pour la protection des carrés et autres plantations comme du temps de Virus et Brandy, Ô,chasseurs de manicou regrettés....manicou, passe ton chemin :-)

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  6. Méchante !!! Comment en vouloir au pauvre Manicou qui ne fait que profiter de l'occasion qui lui est offerte de se servir dans un tout nouveau magasin... Va regarder la photo du petit Manicou dans la feuille de bananier, tu seras moins sévère!
    Moi

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