lundi 27 avril 2015

Découverte de la distillerie du Simon



Aujourd'hui j'ai la chance de visiter la distillerie du Simon en compagnie de son directeur Philippe de Lavigne qui est un pilier de l'industrie locale.

A vingt-cinq ans son diplôme d'ingénieur ENSIAA en poche, il commence sa vie professionnelle en assurant la dernière campagne sucrière de l'Usine de Rivière Salée. Après un bref passage à l'usine d'embouteillage de la Fontaine Didier, il assure pendant vingt quatre ans la direction de la Socomor, plus connue en Martinique comme l'usine d'ananas du Morne rouge.
 Aujourd'hui, infatigable travailleur, il assume avec passion son métier de distillateur. Homme affable et d'une grande simplicité, il est de ceux qui ont contribué au développement de l'industrie locale et continuent de faire cette Martinique authentique que j'essaie de raconter à travers les billets de ce blog.

Durant les mois que durera la campagne 2015, Philippe de Lavigne sera présent tous les matins
 à 5 heures pour le démarrage des machines et sera encore là pour leur arrêt  à 23 heures

Le site industriel de la distillerie  du Simon a été créé en 1862.
 A l'origine producteur de sucre, il se reconvertit dans la fabrication de rhum agricole en 1938 et obtient l'appellation AOC en 1996. Il a pour objectif en 2015 de produire quatre millions de litres de rhum à 55°.


Comme d'habitude je vous fais faire une visite photographique des lieux qui vous permettra notamment de découvrir l'alchimie de la colonne à distiller. Grâce à mon aimable guide je l'ai moi même découverte en mettant mes papilles et mon odorat à l'épreuve.
En débutant cette visite mon étonnement à été de voir que la machine à vapeur était à l'arrêt.



L'énorme machine à vapeur installée en1934 est hors service depuis quatre ans. La chaine de broyage de la canne est aujourd'hui mise en oeuvre par des moteurs électriques à transmission hydraulique et bien sur tout cela piloté par des automates.

Des tonnes de ferrailles bruyantes ont été remplacées par des moteurs électriques
silencieux qui tiennent dans des armoires. 



Le générateur de vapeur ne produit aujourd'hui de la vapeur que pour la distillation.

Vue sur le foyer de la chaudière
La chaudière est chauffée avec la bagasse , résidu sec du broyage de la canne après extraction du jus, qui est amenée par tapis roulant dont on contrôle la vitesse pour réguler le feu.

Le jus de canne extrait, le vesou, est transvasé dans de grandes cuves pour fermentation  alcoolique. Cette fermentation d'une durée de 24 à 72heures maximum donnera un vin qui sera distillé pour donner le rhum. C'est ce rhum produit directement de la fermentation du jus de canne qui est le rhum agricole, autrefois appelé communément en Martinique " Grappe blanche".

Dans ces grandes cuves fermente le jus de canne. A ce sujet deux écoles s'affrontent, les partisans de la fermentation rapide. et ceux de la fermentation lente. Au Simon on est partisan de la fermentation rapide qui donne des rhums plus fleuris, moins acides qu'avec une fermentation lente.
Sur cette photo, en observant la charpente métallique vous verrez qu'elle est construite comme la Tour Eiffel, pas un boulon tout est riveté, et elle a résisté à tous les cyclones depuis 1862.

Après la fermentation vient la distillation dans le bloc des quatre colonnes à distiller dont
dispose le Simon.

M. Montagnac responsable des colonnes en compagnie du directeur.

Une colonne moderne 

Une des deux colonnes historiques tout en cuivre.
 Le jour de ma visite trois colonnes à distiller étaient en service.

Sorties des colonnes.

 Philippe de Lavigne opère les prélèvement des rhums sortant des trois colonnes à distiller. Après dégustation, je découvre que bien que toutes les trois distillent le même vin, les rhums à la sortie sont différents.
N'étant pas un spécialiste, le premier m'a paru très fleuri, le second plus agressif au nez et  le troisième avait une légère amertume pas désagréable.
Chaque colonne produit un rhum unique. Le rhum à la sortie est fonction du temps de distillation, de la pression , de la chaleur, de la fonction catalytique du cuivre qui supprime les mauvaises odeurs. En gros chaque colonne a sa propre alchimie que le distillateur  essaie de maitriser.
Ces rhums produits sont ensuite pris en charge par les Rhums Clément et HSE pour la phase maturation , élevage, mise en bouteille et commercialisation. Ces rhums sont goûtés en permanence en cours de production par ces deux marques qui ont des exigences aromatiques différentes, que la distillerie du SIMON essaie de satisfaire autant que de possible.

L'informatique au secours du service qualité pour contrôler l'alchimie de la distillation




Les rhums goûtés en sortie de colonne sont à 73° d'alcool.
Ce rhum de colonne est appelé par les martiniquais "rhum fort".Il servait traditionnellement à fabriquer  des lotions contre les douleurs, les refroidissements. La plus connue qui me rappelle des souvenirs d'enfance est le "tafia camphré". Les éleveurs de coqs de combats s'en servent également pour frictionner ces derniers. Ce rhum fort n'est pas commercialisé il s'obtient par relations.

Le temps pressant car je ne veux pas abuser  de la disponibilité et de la gentillesse de mon hôte, je m'en vais le nez plein des parfums de ces rhums tout chauds sortis des colonnes.


 Les bureaux sous la pluie.

Vieille locomotive vestige du passé.


Comme toujours je vous quitte en vous disant

a an lot soley !
à un autre soleil !

dimanche 19 avril 2015

M. Salomon tresseur de feuilles de palmiers




Aujourd'hui,à la plage, j'ai rencontré M. Salomon. 
Assis à l'ombre d'un catalpa, il travaille les feuilles sèches des palmiers royaux et les jeunes feuilles vertes des cocotiers. Avec comme seuls outils une petite paire de ciseaux et un couteau de cuisine, cette matière première facile d'accès, devient entre ses mains des oiseaux, des poissons ou des paniers et même des chapeaux.

La première fois que je vis cet artisanat fut à Barbade où nous étions allés en vacances dans les années quatre-vingt.  M. Salomon a été initié à cette technique par un ami des iles anglophones, passionné il se perfectionne par la pratique en bon autodidacte. Il vit de son industrie en vendant sa production aux touristes sur les plages de sud entre Sainte Luce et Sainte Anne.

Je lui ai commandé un poisson et un oiseau, et compte tenu des autres ventes, j'ai pu estimer son gain du jour à une cinquantaine d'euros. Cette recette lui permet de vivre à la hauteur de ses besoins qui sont simples. Au cours de nos échanges, il m'indique qu'il était quelqu'un qui avait encore comme ligne de vie les valeurs traditionnelles et que   jeune il avait même coupé la canne. Il ne comprend pas cette jeunesse d'aujourd'hui qui n'a plus le sens de l'effort et de la dignité.
M. Salomon est un homme plus complexe qu'il ne laisse voir. Au détour de la conversation avec ma belle-soeur, en vacances, et dès qu'il a su qu'elle habitait Nancy, il lui dit que dans une vie antérieure il fut mécanicien à Vandeuvre dans la banlieue de Nancy. Nous ne saurons jamais quel fut son parcours de vie qui le mena des champs de cannes de Sainte Luce  sa commune natale, à un atelier de mécanique à Nancy et aujourd'hui tresseur de feuilles de palmiers sur la plage de la Pointe Marin.

 Vers quinze heures, il nettoya consciencieusement son emplacement de travail, rangea sa recette. Il avait gagné sa journée et il s'octroya une petite récompense, il sortit de son petit sac noir une petite bouteille de rhum blanc St Etienne et but à même le goulot une  unique gorgée.  
Cela était comme une ponctuation de sa journée, une respiration, un point d'orgue!